EDUQUER APRES AUSCHWITZ...Cette formule m’autorise à
considérer que la question de l’éducation ne
peut être posée, à nouveaux frais, QU’APRÈS
celle d’Auschwitz. Aborder la question de l’éducation,
certes, mais seulement APRÈS avoir appréhendé
et pesé ce dont le réel d’Auschwitz fait signe.
Aussi, l’essentiel de mon intervention consistera-t-il en
un essai de mise en évidence de quelques considérations
à partir desquelles peut être élaboré
ce à quoi et en quoi Auschwitz nous oblige. Non pas cet Auschwitz
commémoré comme catastrophe inouïe - oeuvre de
bourreaux survenus du néant - écrasant de son inhumanité
paroxystique une généreuse civilisation tout orientée
vers le progrès de l’humanité... Mais Auschwitz
en tant qu’aboutissement exemplaire de cette civilisation,
lorsqu’elle nourrit en son sein une négativité
qui l’inverse irrésistiblement en son contraire. Irrésistiblement,
dans l’exacte mesure où cette civilisation et l’oeuvre
éducative qui en assure la propagande ver/tueuse imposent
de ne les penser que comme pure positivité, et par tous les
moyens techniques et scientifiques disponibles, y compris, aujourd’hui,
neuro-psycho-socio-linguistiques. Car il en va ainsi, de la “barbarie
douce”, dans l’école et l’entreprise, comme
nous en alertent depuis plusieurs années Jean-Pierre Le Goff
et quelques autres (2).
La mesusah de la maison vide
Dans les années 80, il m’est apparu, de manière
de plus en plus incontournable, que la question de “l’éducation
populaire” et de ses méthodes pédagogiques ne
pouvait plus être envisagée sans être subordonnée
à cette autre question : “quelle action culturelle,
éducative, politique, après les camps et l’extermination?”.
Cette interrogation s’était imposée progressivement
à moi au gré d’une évolution marquée
de différents événements.
D’abord, un souvenir insistant de ma petite enfance. Ce minuscule
rouleau de parchemin recouvert d’une écriture serrée
et mystérieuse découvert par ma mère dans l’encoignure
d’une porte de la maison où elle avait été
relogée à la fin 1940, mon père étant
prisonnier quelque part en Allemagne. Ma mère rentrait de
“l’exode” qui l’avait menée, enceinte
jusqu’aux yeux, avec mes deux soeurs, du Luxembourg belge
à cette petite sous-préfecture du Limousin où
je devais naître bientôt.
Dès mes premières questions d’enfant relatives
à ce minuscule rouleau de mystère (3) étonnamment
rebelle aux doigts qui cherchaient à le dérouler,
on me donna comme explication qu’il s’agissait sans
doute d’une prière oubliée là par les
Juifs qui auraient occupé la maison avant guerre et dont
on avait perdu la trace... Sauf celle-là, justement : ce
fragment d’écriture, muette d’être illisible,
signe étrange d’un monde absent, énigme mille
fois revisitée par le gamin que j’étais, sans
que personne puisse jamais m’aider à comprendre vraiment
ce qu’il faisait là et ce que nous faisions là,
dans ce lieu étonnamment libéré de ceux qui
nous y avaient précédés...
Plus tard, ce fut la rencontre de l’amie juive de mes trente
ans, Thérèse la Bruxelloise, dont la totalité
de la famille restée en Pologne avait été assassinée
dans les camps. Ce qui m’amena notamment à ne plus
jamais confondre, de manière imbécile, camps de concentration
et camps d’extermination.
En 1973, j’ai eu l’occasion de me rendre à Auschwitz.
Je participais alors à un voyage d’étude sur
“l’éducation populaire” telle qu’elle
s’organisait, à l’époque, en Pologne.
Il avait fallu ruser très tôt avec nos guides pour
gagner quelque liberté et tromper leur prévenance
afin de rejoindre ces opposants qui attendaient, dans la banlieue
de Varsovie, des informations et des documents rassemblés
à Louvain.
A Auschwitz, j’ai été triplement heurté,
puis mis en colère, par les conditions dans lesquelles s’est
effectuée la visite du camp qui avait été organisée
pour l’édification de notre petite délégation
vertueuse de militants d’éducation populaire.
Dans le discours de nos accompagnateurs et sur les plaques commémoratives,
aucune évocation des Juifs. Seul, un efficace martyrologue
d’innombrables victimes indifférenciées du nazisme,
quoique surtout communistes et polonaises...
C’était l’automne. La nuit tombait. Il pleuvait.
Les murs de briques noircies ruisselaient, poisseuses. Un décor
de ruines, idéalement requis pour que notre petit groupe
puisse enfin se lâcher - c’est le terme - à l’issue
du parcours, dans un insupportable épanchement de pathos
sordide mêlant compassion gémissante pour toutes les
victimes confondues du fascisme (!) et bonne conscience car, cela
allait de soi, tous, autant que nous étions, savions depuis
longtemps que la barbarie était le fait de cet impérialisme
et de ce capitalisme sauvages que nous réprouvions du plus
profond de notre sensiblerie moraliste, pour les uns, du plus haut
de notre progressisme politique, pour les autres.
Dans les heures et les jours qui ont suivi cette traversée
voyeuriste et pleureuse d’Auschwitz, quand il s’est
agi d’aborder, même timidement, quelques questions relatives
à la nature des régimes totalitaires qui ont marqué
de manière décisive le XXème siècle,
toute parole risquant de mettre mal à l’aise nos hôtes
polonais - nous sommes en 1973, la Pologne est toujours sous régime
communiste - est brutalement parasitée et les traducteurs
sont explicitement invités par les plus staliniens de notre
groupe à ne pas traduire .
Marc Vignal d’abord, musicologue passé plus tard à
France Culture, coordinateur du voyage d’étude, futur
président du mouvement d’éducation populaire
“Peuple et Culture”. Puis Henri Gobard, honorable universitaire,
professeur de linguistique, qui devait donc savoir assez bien ce
que parler veut dire. Ils réagissaient par la colère
chaque fois que les échanges se rapprochaient de considérations
politiques, philosophiques et historiques susceptibles de mettre
en difficulté, selon leurs sentiments, nos interlocuteurs
polonais officiels. J’ai le souvenir encore cuisant d’un
incroyable psychodrame qui arrêta net un début d’échange
relatif aux choix pédagogiques présidant à
l’approche de la “pensée dialectique” dans
le champ de l’éducation populaire en Pologne. Les responsables
que nous rencontrions s’en tenaient à la vulgate des
“matérialismes dialectique et historique” référée
aux seuls écrits de Staline, de Lénine et d’Engels.
Les staliniens de notre groupe assuraient énergiquement leur
fonction : rendre impossible tout questionnement susceptible d’ouvrir
la voie au débat, à la critique.
L’époque était encore au marxisme dogmatique
faisant rageusement obstacle - idéologiquement, organisationnellement
et universitairement - à toute étude des conditions
d’émergence et de développement des régimes
criminels faisant appel à des analyses susceptibles de déboucher
sur une mise en relation critique du nazisme, du fascisme et du
“socialisme réel”.
Nulle place donc pour les travaux des “marxistes indépendants
ou non-léninistes”. Silence total sur les Cornélius
Castoriadis, Pierre Legendre, Edgar Morin, Maximilien Rubel, Joseph
Gabel, Maurice Merleau-Ponty, Karel Kosik, Daniel Guérin,
Henri Lefèbvre, René Lourau, Anton Pannekoek, Pierre
Clastre, Bruno Rizzi, Claude Lefort, Simon Leys et tant d’autres
dont les analyses ont contribué largement à faire
progresser la connaissance des régimes totalitaires et bureaucratiques.
Dès le début des années 1970, je faisais régulièrement
la navette entre Bruxelles et Paris pour le séminaire d’Yvon
Bourdet (sociologie de l’autogestion - 6ème section
de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes) qui me fit découvrir
certains des auteurs qui viennent d’être cités.
J’ai saisi la chance qui s’offrait alors à moi
de rejoindre, une à deux fois par mois, le séminaire
que Lacan tenait à la fac de Droit, rue Saint Jacques, dans
le programme de la même E.P.H.E. (4), “la grand-messe”
diront ses détracteurs.
Avec la voix vive de Lacan et la lecture que je tentais de ses séminaires,
je découvrais une autre approche de la problématique
qui nous occupe ici. Les camps et l’extermination étaient
éclairés à partir de la subversion freudienne
qui permettait d’attaquer l’angle mort des analyses
politiques développées par la plupart des marxistes
pourtant non dogmatiques que je découvrais, parallèlement,
au séminaire de Bourdet.
Il fallait maintenant me résoudre à l’évidence
: “les assassins sont partie intégrante de l’espèce
humaine” (5) et le désastre d’Auschwitz interdit
- sauf à aplanir les voies qui y mènent (6) - de dissocier
l’inhumain de l’humain, dans le travail de la pensée
censée éclairer l’engagement du militant culturel
et politique.
Au milieu des année 1960, Lacan rattache définitivement
son enseignement et “la fondation de son école à
l’événement Auschwitz” (7). Il y a été
aidé par une de ses analysantes, Anne-Lise Stern, devenue
psychanalyste après avoir été déportée
à Auschwitz-Birkenau, constituant ainsi une exception dans
le champ psychanalytique ; ce qui est loin de lui avoir facilité
la tâche tant le refus de savoir est aussi efficace là
qu’ailleurs. Depuis, elle n’a cessé de soutenir
un questionnement déterminé par son expérience
des camps, dans les milieux psychanalytiques les plus divers, qui
l’écoutaient souvent plus poliment qu’ils s’en
laissaient atteindre. Puis elle s’autorisa à poser
avec force la question “quelle psychanalyse après Auschwitz?”,
alors que Claude Lanzmann, avec son film “Shoah” (1985)
faisait oeuvre en “s’opposant à toute jouissance
de l’horreur” (8) tout en faisant savoir, à qui
voulait l’entendre, que beaucoup savaient... A l’horizon
de mes cinquante ans, je demandais à Anne-Lise Stern, de
m’accepter en analyse, avec un incroyable argumentaire politico-pédagogique,
tartiné dans une longue lettre écrite une nuit d’un
seul trait... Il m’a fallu du temps pour me laisser aller
à imaginer le “rire de Dieu” - merci Kundera
(9) - que provoqua, j’en suis sûr maintenant, une demande
d’entrée en analyse ainsi torchée...
“Quelle psychanalyse après Auschwitz ?”. C’est
le tranchant de cette question d’Anne-Lise Stern qui me renvoya
à mes affaires, entre autres à ma responsabilité
de formateur, d’éducateur. D’éducateur,
à qui revient maintenant la charge des deux interrogations
majeures que je ne peux plus ni éluder ni différer,
l’enchantement n’étant plus de mise. La première,
assez générale : “quelle éducation après
Auschwitz?”. Puis la seconde, nettement plus précise,
celle que je me fatigue depuis quelque temps à tenter de
la rendre incontournable à mes collègues et amis :
“quel méthodes d’intervention, en “éducation
populaire”, après Auschwitz?”
Oui, mais pourquoi seulement Auschwitz ?
Depuis des années, dans le petit monde éducatif et
associatif que je fréquente, chaque fois que je risque mes
inquiétudes et les questions auxquelles elles conduisent,
il me faut expliquer encore et toujours, mais surtout m’expliquer
c-à-d me justifier.
Surtout lorsqu’ils se posent avec assurance comme au fait
de la problématique de l’éducation populaire,
de l’éducation permanente, de la formation continue
aujourd’hui, la plupart de mes interlocuteurs m’invitent
sans même avoir besoin de se concerter, tellement cela va
de soi pour eux, à ne pas trop insister sur Auschwitz et
à réinscrire l’affaire des camps dans le douloureux
catalogue des horreurs humaines dont aucune n’est à
distinguer des autres tant elles ont été aussi monstrueuses
les unes que les autres - donc équivalentes - tout au long
du XXème siècle...
L’invitation au “travail de la mémoire”
- à ne pas confondre avec le “devoir de mémoire”
- provoque sans retard un tumulte mémoriel suspendant la
pensée et débouchant sur la mise en concurrence des
mémoires. “Si tout le monde a souffert, de quel droit
les Juifs pourraient-ils invoquer, plus que d’autres, leur
souffrance passée?” (10). A l’évocation
d’Auschwitz - en clair de la Shoah (11) - il faut donc sans
tarder rajouter Hiroshima, Verdun, Dresde, le Goulag, la Vendée,
le Kosovo, la Saint Barthélemy, le Cambodge, Nagasaki, l’Arménie,
Chabra, Chatila, la Kolima, les Croisades, le Rwanda, l’esclavage,
la liquidation des Amérindiens, le prétendu génocide
palestinien et même la peste ! Dans les milieux que je fréquente
je n’ai jamais rencontré jusqu’à présent
quelqu’un qui m’ait interpellé dans le sens inverse,
m’invitant à passer de l’un ou l’autre
point de l’énumération rapide que je viens d’évoquer,
à Auschwitz, aux camps, à l’extermination, au
génocide des Juifs et des Tziganes.
Permettez-moi de citer Joffre Dumazedier, premier sociologue en
France à avoir étudié l’idée de
“civilisation des loisirs”, Résistant passé
de “l’Ecole d’Uriage” (12) à la clandestinité
en 1942, président-fondateur du mouvement “Peuple et
Culture”, professeur à la Sorbonne et initiateur de
la démarche d’éducation populaire appelée
“entraînement mental” dont j’ai souvent
débattu avec lui :
“Quand on lit «L’histoire des fléaux et
des calamités en France» par l’historien Delumeau,
avec les barbaries en tous genres, les millions de tués par
la peste, la Saint Barthélemy etc.,” constatons que
“... ces horreurs ne datent pas d’hier, quelle que soit
la monstruosité des six millions de juifs exterminés”
(13).
Je relève la formulation : “la monstruosité
de six millions de juifs exterminés”. Ce n’est
pas tout fait la même chose que : “la monstruosité
de l’extermination de six millions de juifs” ou “l’extermination
monstrueuse de six millions de juifs”.
Chaque fois, donc, je suis invité, avec insistance, à
relativiser Auschwitz, en l’alignant sur la masse indifférenciée
des diverses formes de violences et de barbaries repérées
dans l’histoire humaine depuis la nuit des temps...
J’ai fini par comprendre que la réflexion souvent entendue
“on ne parle pas assez d’Hiroshima” (14), comme
première réaction assez spontanée à
l’évocation d’Auschwitz, assurait la fonction
d’un “on parle trop d’Auschwitz” qui, autant
laïquement que chrétiennement, n’ose se dire aussi
crûment, pour l’instant... L’invitation à
relativiser Auschwitz par un comparatisme insistant gommant la singularité
de la Shoah poursuit le travail souterrain du négationnisme
et du révisionnisme, tout en douceur. C’est là
son extrême violence. Et son extrême obscénité,
lorsque ce relativisme s’accompagne de grandiloquence commémorative,
où les uns et les autres rivalisent d’indignation,
de “devoir de mémoire” et de “plus jamais
ça”, soudés dans la négation compulsionnelle
de “la dimension humaine du mal” (15).
La singularité d’Auschwitz
Nulle investigation historique, ou sociologique ou philosophique
ici. Je n’en n’ai pas les moyens. Ni la compétence.
Et tant mieux, ainsi échapperai-je à l’obligation
de distance et de retenue qu’est censé respecter tout
scientifique digne de ce nom. L’établissement tatillon
des concepts et de l’architecture qui les articule impliquerait
une telle lenteur, une telle prudence, un tel interdit de subjectivité
que je ne pourrais pas m’adresser à vous avant longtemps.
Si la part d’erreurs et d’approximations contenue dans
mes propos rencontrait, de votre part, la critique qui encouragerait
à pousser plus avant la (re)connaissance “de cette
rupture de civilisation constituée par Auschwitz” (16),
je n’aurai pas perdu mon temps. Ce temps qui nous est chichement
compté...
Car les années qui passent font passer l’effacement
de l’effacement, pendant que la nature achève de recouvrir
les dernières traces des camps abandonnés. Une extermination
à double détente, parachevée par les honnêtes
tenants du relativisme évoqué plus haut et pointés
par Primo Levi (6), aveugles quant au grand déblayage qu’ils
assurent pour le plus grand profit des négationnistes. L’air
du temps leur est favorable. Le regard posé sur un présent
désiré sans passé - donc sans histoire(s) -
se veut plus positif que jamais. “Positivons!” ordonne
Carrefour... La pensée n’est plus qu’un segment
de la division technique du travail que moralise le pathos généralisé
sur lequel prospèrent des philosophes de grandes surfaces
déféquant la sagesse en tête de gondole... En
régime de barbarie instrumentale et nihilisme généralisé
nous ne serons jamais assez odieux dans le commentaire de ce commerce
!
Alors, qu’en est-il de cette supposée singularité
d’Auschwitz ?
Le mal fascinant celui qui s’en émeut, je ne vous
proposerai ici aucune image des charniers débordant de cadavres
ni le menu détail de la bestialité des assassins.
La diabolisation de ceux-ci encourageant à les imaginer hors
humanité, fait en effet écran au “travail de
la mémoire” que rien ne pousse “naturellement”
ou “psychologiquement” à concevoir l’inhumain
dans l’humain, la barbarie dans la civilisation. Certainement
pas à entendre la question angoissée que Georges Steiner
a tenté de nous faire partager il y a quarante ans déjà
: “La demeure de la civilisation ne sut pas être un
abri... Quels rapports existent entre les attitudes mentales, les
habitudes psychologiques de la haute culture et les tentations d’une
barbarie inhumaine?”(17). Voici une interrogation qui devrait
nous atteindre, nous, qui nous préoccupons d’éducation,
peut-être plus que nous nous en occupons...
Poursuivons. Voici un ensemble - non arrêté - de caractéristiques
permettant de cerner, du moins me semble-t-il, la singularité
d’Auschwitz (les camps, l’extermination, la Shoah).
Je les énumère, étant incapable de les classer.
Bien malin celui qui pourrait avancer des critères “objectifs”
de classement par ordre d’importance scientifique, ou éthique,
ou politique.
Ces différents éléments sont à considérer
comme s’organisant, dans leur intrication serrée, en
une complémentarité convergente aboutissant à
un constat difficilement contournable : Auschwitz n’est jamais
que très partiellement comparable aux atrocités de
l’inventaire dressé de manière répétitive
et insistante par les relativistes qui font obstacle à la
mise en évidence de la singularité d’Auschwitz
(voir plus haut).1. Le primat racial (18). Laissons parler Primo
Levi. “Il est tout à fait exact que le Goulag a existé
avant Auschwitz ; mais on ne peut pas oublier que les buts des deux
enfers n’étaient pas les mêmes. Le premier était
un massacre parmi d’autres massacres ; il ne se fondait pas
sur un primat racial, il ne divisait pas l’humanité
en surhommes et en sous-hommes. Le second reposait sur une idéologie
imprégnée de racisme. Si elle avait prévalu,
nous nous trouverions aujourd’hui dans un monde coupé
en deux : «nous» les seigneurs d’un côté,
et par ailleurs tous les autres à leur service ou exterminés
parce que racialement inférieurs. Ce mépris de l’égalité
fondamentale des droits de tous les être humains transparaît
dans une foule de détails symboliques, du tatouage à
Auschwitz à l’utilisation, dans les chambres à
gaz précisément, du poison originairement produit
pour dératiser les cales des navires.” (19)2. Un cadre
doctrinal officiel : l’antisémitisme.Le IIIème
Reich fait de l’antisémitisme une doctrine officielle.
Il met en place, dès 1933, une politique qui, au moyen de
lois visant spécifiquement les Juifs (déchéance
de la citoyenneté allemande ; aryanisation des biens et des
entreprise juives ; impôts spécifiques) et de pratiques
racistes (concentration des Juifs dans des ghettos), visait à
une destruction des Juifs d’Europe qui devint systématique
avec l’adoption de «la solution finale» et la
planification définitive de celle-ci à la conférence
de Wannsee le 20 janvier 1942 (20).
Cet élément permettant de caractériser Auschwitz
nous oblige ainsi à distinguer nettement «racisme»
et «antisémitisme». Le racisme rabaisse dans
l’ordre de l’humain, tandis que l’antisémitisme
exclut radicalement de l’humanité (21). Le racisme
concède en quelque sorte un reste d’humanité
à la victime. Pas l’antisémitisme. “Le
raciste rêve de dominer les sous-hommes, l’antisémite,
lui, rêve d’un monde sans Juifs” (22).
3. La non-belligérance. Les Juifs de France, d’Allemagne,
d’Autriche, de Belgique, de Hollande, d’Italie étaient
pacifiquement “assimilés” depuis des lustres.
Ils ne développaient dans l’Europe finalement contrôlée
par les forces allemandes aucun communautarisme vindicatif troublant
l’ordre public ou prônant l’affrontement avec
les institutions de leur pays respectifs en vue d’une quelconque
sécession, prise de pouvoir ou indépendance nationale.
Alors que la quasi totalité des atrocités commises
ces derniers siècles ont presque toujours impliqué
deux parties en conflit ouvert, luttant souvent à mort, l’une
contre l’autre. On ne s’est pas privé d’exterminer
les opposants, les ennemis, les occupants, les adversaires, mais
toujours en situation de belligérance.
Les Arméniens eux-mêmes, massacrés en grand
nombre par les Turcs, se soulevèrent à deux reprises
contre l’empire Ottoman : en 1894-1895 et en 1915-1916. Les
Tziganes, quant à eux, n’ont jamais apparemment été
tentés par l’assimilation. Actuellement encore, dans
nos pays, ils revendiquent communautairement, et très légitimement,
leur droit à leur singularité.4. Le crime de bureau.
C-à-d la fonctionnarisation de l’extermination où
le sentiment moral s’honore du souci scrupuleux de l’exécution
professionnelle du travail, dans le respect pointilleux des normes
administratives, des dispositifs organisationnels et de la division
technique du travail ; avec, conséquemment, l’abolition
du sens de la responsabilité des personnels dans le processus
d’extermination puisque la distanciation assassins/assassinés
ainsi obtenue protège les premiers de l’épreuve
du contact direct aux seconds. Ce qui n’a pas été
le cas au Rwanda ni en Arménie, par exemple.5. La réquisition
systématique, parmi les condamnés à l’extermination
eux-mêmes, des agents d’exécution de premier
rang. Ce sont eux qui seront au contact physique direct de leurs
frères et soeurs voués à la mort, dans la préparation
de leur liquidation, puis dans le traitement de la masse de leurs
cadavres après.6. L’absence de haine apparente, chez
de nombreux bourreaux. Les personnels chargés d’encadrer
l’extermination industrielle se font assez peu remarquer par
une haine active à l’endroit des victimes des programmes
qu’ils exécutent. Ils font leur travail en tant que
bons techniciens professionnels, assumant avec efficacité
les responsabilités qui leur ont été confiées.
Ce sont de bons salariés, sans histoires. Des hommes ordinaires,
conformistes, respectueux de leur hiérarchie, soumis aux
lois et aux règles. Ternes comme l’univers de médiocrité
dans lequel ils prospèrent. Soucieux de la bonne tenue de
leur ménage, de la santé de leur épouse, de
la scolarité de leurs enfants, du bon rangement de leurs
disques préférés et de l’évolution
de leur carrière.
Haïr implique qu’on doive compter avec une victime appartenant
encore au genre humain. C’est d’ailleurs ce qui enrage
l’antisémite. Ici, dans l’administration et l’accompagnement
du processus d’équarrissage industriel, le technicien
n’a pas d’état d’âme : il travaille.
Hannah Arendt a très bien cerné la banalité,
la soumission, le conformisme de ces hommes particulièrement
ordinaires, infiniment disponibles pour les tâches de bourreau
qui leur ont été attribuées par le régime.
7. L’organisation, la planification et le suivi rationnels,
dans la durée, de l’extermination industrielle. 8.
La gestion rationnelle de la production de cadavres et de leur traitement,
comme sources de matières premières recherchées
et gisement de métaux précieux.9. L’organisation
du déplacement massif des victimes, des quatre coins de l’Europe,
des villages et des bourgs les plus reculés, vers leurs assassins.
“Sans équivalent dans l’histoire à ce
jour”. (23)10. Le financement de l’extermination (transports,
personnels, administration) assuré par les victimes elles-mêmes
et leurs communautés d’appartenance.11. L’effacement
systématique des traces de l’extermination. En 1945,
destruction de la plupart des installations et, après la
guerre, poursuite de l’effacement par le travail des négationnistes
et des révisionnistes. Et c’est loin d’être
terminé ! Actuellement, certains Etats islamiques se caractérisent
par leur négationnisme militant officiel (24).12. La couverture
de l’extermination, de bout en bout, par la loi. Le pouvoir
d’Etat, au nom de la loi, ordonne, planifie et encadre l’extermination
de masse. Il sanctionne les personnels lorsque ceux-ci n’exécutent
pas correctement leur mission. “Comme tout pervers, les nazis
ont joué sur l’amour de la loi” (25)13. Contrairement
à ce qu’on pourrait penser, la situation de guerre,
malgré l’éloignement de la perspective d’une
issue victorieuse pour les armées allemandes dès janvier
1943 (bataille de Stalingrad) facilite la tâche des Nazis.
L’état d’exception imposé au pays se prenant
à douter de sa capacité à vaincre permet aux
institutions policières et militaires de porter leur contrôle
du pouvoir d’Etat au maximum et d’instrumentaliser la
loi sans avoir de compte à rendre à quiconque. La
guerre est au service de l’extermination et non le contraire.
L’état d’exception qu’elle autorise est
le moyen stratégique essentiel de la réalisation du
programme d’extermination (26).
L’unicité d’Auschwitz, une singularité
à portée universelle...
Faisons un pas de plus. De la singularité à l’unicité.
La singularité radicale qui vient d’être mise
en évidence fait signe de l’unicité d’Auschwitz.
“Les annales de la barbarie regorgent de massacres, mais il
n’y a pas de précédent à l’abolition
totale du lien humain dans les manufactures de la mort” (27).
“La singularité du génocide juif met en lumière
l’atteinte portée à cette «couche fondamentale
de la relation entre les hommes» (Jürgen Habermas). C’est
à cette condition que la spécificité de l’événement
se démontre. L’unicité du génocide juif
n’est ni un préalable d’analyse, ni synonyme
d’une hiérarchie du malheur. C’est une conclusion”
(28).
“La notion d’humanité a été brisée
à Auschwitz, et non la seule identité ni la seule
existence juive. Mais c’est le peuple juif et non un autre
qui a été assassiné là. C’est
pourquoi il faut enseigner, aussi, la déréliction
juive. Non comme une lamentation, mais comme une leçon politique
: lorsqu’un peuple n’est plus citoyen de nulle part,
l’appartenance commune à l’espèce humaine
(29) devient pour lui sans valeur. A l’heure de l’Etat-nation,
un homme n’est plus rien par lui-même s’il n’est
pas protégé par cette entité-là”
(30).
Pas étonnant que nombreux sont ceux que tente le comparatisme
qui permet de relativiser Auschwitz et de rejeter son unicité.
La Shoah visait l’extermination des Juifs car il fallait qu’ils
disparaissent de la terre, des esprits et de la mémoire.
Rêve fou pour tenter de liquider, sans avoir à le résoudre,
le douloureux problème, en régime monothéiste,
du “partage de l’origine” (Daniel Sibony) : par
élimination de ceux dont la seule existence rappelle la dette
qui a été contractée envers eux et que le temps
n’effacera jamais. “Le salut vient des Juifs”
rappelle l’Evangile selon Saint Jean, IV, 22...
L’antisémitisme chrétien séculaire a
servi de fond sur lequel s’est progressivement élaboré
ce rêve d’élimination définitive, au coeur
de cette Europe héritière, par la culture, au moins
autant des Juifs que des Grecs. La Bible des Juifs inaugure la Bible
des Chrétiens que celle-ci déclasse en “ancien
testament”...
Et voilà que la Shoah inscrit dans l’histoire une dette
supplémentaire, qui redouble la première, mais cette
fois, en abîme : “Mais c’est le peuple juif et
non un autre qui a été assassiné là...”
(30) nous rappelant, ainsi, radicalement, à l’unité
de l’espèce humaine, à notre universelle humanité,
que rien ne protège désormais, puisqu’Auschwitz
a eu lieu.
Avant Auschwitz, le pire était envisageable. Pas l’impensable.
Après Auschwitz, il n’y a plus d’impensable.
Retour à la question : “quelle éducation
après Auschwitz?”
L’Europe des Lumières, des humanistes et des révolutionnaires,
des arts, des techniques et des sciences est aussi l’Europe
qui industrialisa, au plus près de nous, la barbarie. Sa
culture, ses grandes religions, son haut niveau de civilisation,
son idéal éducatif n’empêchèrent
pas Auschwitz.
Soixante ans plus tard, la question “quelle éducation
après Auschwitz?” reste extérieure au champ
éducatif. Normal, puisque l’éducation est posée
comme pure positivité, sans aucun rapport avec l’impensable
devenu réalité à Auschwitz.
Si nous continuons à fuir notre histoire en cultivant les
cadres mentaux entretenant la méconnaissance perverse de
la leçon de la Shoa, alors, dans notre civilisation de pure
positivité, la réflexion continuera, comme par le
passé, d’y primer la pensée. Le moralisme comportemental
interdira tout déliement éthique. La critique non-critiquante
laissera la formation délégitimer l’éducation.
La sérialisation des individus les fondera en une société
de masse toujours plus soumise et conformiste. La violence non-violente
interdira de casser les évidences gonflées de pensée
positive et de grandiloquence vertueuse. L’ignorance pédagogique
n’en finira pas d’ânonner avec Philippe Meirieu
que “l’éducation, c’est le contraire du
totalitarisme” (31). Les sciences humaines fonctionnalistes
ne cesseront pas de fonctionnariser leurs gestionnaires, leurs enseignants,
leurs apprentis. La rationalité instrumentale cultivera la
pauvreté symbolique (32). Et le discours scientifique continuera
d’être célébré comme seule source
de vérité (33), et donc d’autorité vraiment
acceptable puisque pur énoncé cognitif libéré
enfin de cette subjectivité humaine qui constituera toujours
le principal obstacle au progrès de la connaissance et de
l’administration objectivement rationnelle des choses.
Pas étonnant que pathos et cynisme s’accordent chaque
jour davantage, dans cette société dépressivement
inquiète d’elle-même, et de la violence qui,
de plus en plus, lui tient lieu de lien social chaud. A défaut
de tout autre où il lui faudrait abandonner un peu de cette
jouissance ressentimentale qui la barbarise, pour y échapper
beaucoup.
“Dans l’enseignement de la Shoa, l’essentiel du
propos politique est dur, aride, et violent” (34). Nous reste
donc à ramasser la question pendante et à en affronter
le défi. Avec toute l’agressivité et l’inespoir
dont nous sommes capables, et dont nous ne manquerons pas d’être
coupables, parce qu’odieux, aux yeux de ceux qui persistent
à n’en rien vouloir savoir :
“quelle éducation après Auschwitz ?”...
Education... Auschwitz...
E/ducation... Aus/witz...
EX, AUS...
Quelle proximité remarquable,
quel recouvrement spectaculaire,
quel pléonasme, faisant effet de vérité !
EXIT ! RAUS ! Un “WITZ” du plus bel effet.
“Cette syllabe “Witz” - trait d’esprit (plaisanterie,
blague) - contenue dans le mot Auschwitz, a dû en faire rigoler
plus d’un chez les nazis. Peut-être même faire
donner la préférence à ce lieu-là, noeud
ferroviaire appendu au bord de la frontière germano-polono-tchèque,
pour y situer ce que l’un deux par la suite reconnaîtra
comme Anus mundi.” (35).
Eduquer après Auschwitz ? C’est initier à ceci
que l’humaine humanité ne peut que conduire (ducere,
comme dans e/duquer) à l’Anus mundi chaque fois qu’elle
maintient en dehors (ex/aus) de l’instruction basique à
assurer à chacun - jeune ou adulte - la connaissance situant
l’inhumain dans l’humain et non en dehors de celui-ci.
Sinon, à quoi pourrait bien servir de savoir lire, écrire,
calculer et cliquer, dans le vide, en attente du néant dont
la Shoa fait signe, de sa singularité radicale ?
Pierre Davreux, Bordeaux, le 24 janvier 2005.
_________________
(1) Voir le dernier ouvrage de Shmuel Trigano : “Les Frontières
d’Auschwitz - les ravages du devoir de mémoire”,
Le Livre de poche (biblio essais), 2005, 253 pages.
(2) Jean-Pierre Le Goff : “La barbarie douce - La modernisation
aveugle des entreprises et de l’école”, La Découverte,
2003, 142 pages ; “La démocratie post-totalitaire”,
La Découverte, 2002, 203 pages.
(3) La tradition religieuse veut que sur le montant de la porte
de chaque maison juive soit accrochée une petite boîte
appelée “mesusah” dans laquelle on dépose
un petit rouleau de parchemin contenant certains passages de la
bible. Par cette coutume, les juifs pratiquants expriment la conscience
de respecter un commandement et manifestent leur confiance dans
la protection divine. Cette protection concerne en premier lieu
la maison et ses habitants. En hébreu, “mesusah”
signifie littéralement “montant de porte”. Une
belle charge symbolique pour un utile montage menuisier.
(4) C’est à partir de cette 6ème section de
l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (E.P.H.E.) que s’est
constituée plus tard l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Sociales (E.H.S.S.).
(5) page 23, Georges Bensoussan, “Auschwitz en héritage?”,
Editions mille et une nuit, 1998, 206 pages.
(6) “Dans le monde réel, les hommes armés existent,
ils construisent Auschwitz et les honnêtes et les désarmés
aplanissent leur voie ; c’est pourquoi chaque Allemand, plus,
chaque homme doit répondre d’Auschwitz et qu’après
Auschwitz il n’est plus permis d’être sans armes.”
Page 242, Primo Levi, “Le système périodique”,
Le livre de poche n°3229, 2001, 253 pages,
(7) page 410, Elisabeth Roudinesco, “Jacques Lacan - esquisse
d’une vie, histoire d’un système de pensée”,
Fayard, 1993, 723 pages.
(8) Anne-Lise Stern, “La savoir-déporté - camps,
histoire, psychanalyse”, Seuil, 2004, page 248.
(9) Discours de Jérusalem : le roman et l’Europe -
Milan Kundera, “L’art du Roman”, Gallimard (Folio),
1995, 198 pages.
(10) Georges Bensoussan, op. cit., pages 27-28.
(11) Shoah, écrit parfois Shoa. Mot hébreu signifiant
«anéantissement». En France, depuis le film de
Claude Lanzmann, il prend irréversiblement le pas sur la
notion générale et imprécise de «massacres»,
sur le terme clinique ou technique de «génocide»
(construit en 1944 par le juriste juif polonais Raphaël Lemkin)
et sur celui, plus religieux, «d’holocauste».
Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis ou en Israël (holocaust),
ou encore en Allemagne (Endlösung, Vernichtung). Holocauste
: du latin ecclésiastique d’origine grec holocaustum
signifiant “brûlé tout entier” ; chez les
Juifs il désigne le sacrifice religieux où la victime
offerte à Dieu (le bélier) est entièrement
consumée par le feu. “L’histoire seule du mot
Shoah est en soi une leçon d’Histoire” (G. Bensoussan,
op. cit. p. 19).
(12) Ecole nationale des cadres d’Uriage (première
période : juillet 1940 - décembre 1942). Au moment
de la prise de contrôle total de cette “école
d’Uriage” par la Wehrmacht et la milice - Noël
1942 - ses responsables basculent dans la résistance clandestine
: Joffre Dumazedier, Hubert Beuve-Méry, Pierre Dunoyer de
Segonzac, Benigno Caceres, etc.. Bernard-Henri Lévy - qui
semble n’avoir pas compris grand chose à ce qui s’est
joué à Uriage avant ce Noël 42 puis après,
dès que Vichy en a fait son école des cadres de la
Milice (deuxième période : 43-44) - ne voit dans ce
passage collectif à la résistance clandestine, en
1942, qu’un étonnant “paradoxe”. Cette
rupture dans l’histoire d’Uriage doit sans doute heurter
son entendement trop formellement classificatoire d’une complexité
de situation qui lui échappe un peu, tant est grande sa précipitation
post festum à dénoncer le vichysme de tous, avec juste
un petit bémol, à peine désintéressé,
sauvant la mise à Beuve-Méry, fondateur du journal
“le Monde”... (voir les pages 49-54 de “L’idéologie
française”, Bernard-Henri Lévy, Grasset, 1981,
341 pages).
A noter que c’est au moment où J. Dumazedier bascule
d’Uriage à l’organisation des “équipes
volantes culturelles” qui vont relier une quarantaine de maquis
du Vercors jusqu’à la Libération, qu’il
baptise sa démarche socio-pédagogique d’éducation
populaire “l’entraînement mental”. Je tiens
cette précision de lui-même. 1942, c’est également
l’année de la conférence de Wannsee...
(13) Lettre de Joffre Dumazedier à Pierre Davreux, le 9
juin 1998.
(14) Lettre de Jean Remi Durand Gasselin - responsable du secteur
Education populaire et Formation de “Peuple et Culture”
- à Pierre Davreux, le 1 mars 1999.
(15) Georges Bensoussan, op. cit., page 23.
(16) Anne-Lise Stern, op. cit. page 256.
(17) George Steiner, “Langage et silence”, traduction
de Lucienne Lotringer, Editions du Seuil, 1969.
(18) Primat (philo) : caractère premier dans l’ordre
de la valeur.
(19) Revue “Passages”, n°52, décembre 1992.
Cette citation est extraite du dernier texte de P. Levi paru dans
“La Stampa” du 22 janvier 1987 sous le titre “le
trou noir d’Auschwitz”. Quelques semaines plus tard,
Primo Levi se suicidait, le 11 avril.
(20) Le 20 janvier 1942, Hitler convoque la conférence dite
de Wannsee (riche banlieue de Berlin). Y sont réunis les
plus hauts dignitaires du régime. Ils vont, non pas y décider
le génocide des Juifs mais l’organiser et le planifier
de manière décisive, car la liquidation de onze millions
de personnes pose, au dire de Himmler, un certain nombre de problèmes
techniques et organisationnels auxquels se heurtent les unités
(Einsatzgruppen) qui ont déjà commencé, directement,
sur le terrain (Pologne, URSS...), à exécuter la décision,
à grande échelle, dès juin 1941.
Le protocole final de Wannsee, signé Heydrich, stipule :
“L’émigration a désormais cédé
la place à une autre possibilité de solution : l’évacuation
des Juifs vers l’Est, solution adoptée avec l’accord
du Führer... La solution finale du problème juif en
Europe devra être appliquée à environ onze millions
de personnes... Le résidu qui subsistera en fin de compte
devra être traité en conséquence... En vue de
la généralisation pratique de la solution finale,
l’Europe sera balayée d’ouest en est...”(G.
Bensoussan, op. cit. pages 165-166).
(21) Georges Bensoussan, op. cit., page 58.
(22) Georges Bensoussan, op. cit., page 62.
(23) Georges Bensoussan, op. cit., page 155.
(24) Discours de Simone Veil, le 18 octobre 2002, devant l’Hémicycle
du Conseil de l’Europe à Strasbourg : “Quel enseignement
de la Shoah au XXIème siècle?”
(25) page 80, Daniel Sibony, “Don de soi ou partage de soi?”,
Editions Odile Jacob, 2000, 280 pages.
(26) Suivre de près les recherches actuelles du philosophe
italien Giorgio Agamben sur la problématique de l’état
d’exception ; nous devons également à cet auteur
l’essai “Ce qui reste d’Auschwitz”, Bibliothèque
Rivages, 1999, 235 pages.
(27) page 31, Alain Finkielkraut, “Une voix vient de l’autre
rive”, Gallimard, 2000, 147 pages.
(28) Georges Bensoussan, op. cit., page 60.
(29) Lire “L’espèce humaine” de Robert
Antelme, Gallimard, Collection Tel, réédition de 1997,
307 pages.
(30) Georges Bensoussan, op. cit., pages 69-70.
(31) Philippe Meirieu et Marc Guiraud, “L’école
ou la guerre civile”, Plon, 1997, page 66. Pour information,
Philippe Meirieu - Directeur de l’I.U.F.M. de l’Académie
de Lyon - vient de préfacer le dernier brouet sur la démarche
d’éducation populaire dite “entraînement
mental», en pleine méconnaissance de l’actuelle
réalité de celui-ci. Nous nous sommes écrits
tout récemment à ce sujet. Il reconnaît, mais
un peu tard, son manque total d’information depuis plusieurs
décennies : “J’ignorais totalement ce que vous
dites et ne connaissais Peuple et Culture qu’à travers
l’histoire des «grands anciens» (lettre du 17
mai 2004). Une préface bien légère pour un
livre de plomb : “Penser avec l’entraînement mental
- agir dans la complexité”, ouvrage collectif - Peuple
et Culture, Editions Chronique Sociale, 2003, 246 pages. Ce document
tourne résolument le dos au questionnement engagé
ici, bien que ses principaux auteurs en soient clairement informés.
L’Université et les appareils associatifs contrôlant
l’essentiel du champ de «l’éducation populaire»
font en général bon ménage lorsqu’il
s’agit d’étouffer toute voix discordante. Sur
l’actuel marché de l’éducation, de la
formation continue et du traitement social du chômage, la
première valide les seconds qui lui renvoient l’ascenseur
chargé de clientèles lisses, honnêtement pré-formatées.
Dans le monde incertain où nous vivons, une “gestion”
saine et pacifiée des institutions l’exige, très
pragmatiquement...
(32) Lire le texte de la conférence donnée par Charlotte
Herfray en mai 1997 à “Espaces Dialogues”, Maison
des Associations, Place des Orphelins 67000 Strasbourg : “Vous
avez dit Education Populaire ? - La pauvreté symbolique”,
25 pages.
(33) Jean-Pierre Lebrun, “Un monde sans limite - essai pour
une clinique psychanalytique du social”, éditions érès,
1997, 248 pages.
(34) Georges Bensoussan, op. cit., page 150.
(35) Anne-Lise Stern, in “Les Temps modernes” n°509
- décembre 1988, pages 32 et 33. |